Carnet de route

11 super-héros dans le Queyras
Le 19/04/2018 par Franck BENOIT
Samedi 7 avril, nous sommes 8 skieurs de randonnée du Club Alpin de La Rochelle (Denis, Pascal, Franck, Marie-Christine, Nathalie, Nadège, Christophe, Thierry) et 3 de celui de Niort (O, Francis, Franck) à prendre la direction de Molines-en-Queyras pour une semaine de rando en étoile. On nous prédit des conditions difficiles, nous n’avons pas été déçus !
Dimanche 8 avril. Molines-en Queyras / col de la Crête de Peyre Niere (880 m de dénivelé positif)
Ah ! que nous étions heureux à l’idée de partir du chalet « ski aux pieds ». On pourra frimer auprès des copains de la façade atlantique ! Nous avons vite déchanté. La montée se fait sans visibilité sur le versant sud, par une température très douce. Nous ne nous attardons pas en haut et entamons la descente dans un jour blanc de blanc. La plus difficile en trois ans de ski de rando et environ 90 sorties selon Christophe, notre champion. Et on veut bien le croire tant la neige est peu aisée à skier ! Au début de la descente, c’est une grosse croute recouvrant une couche molle qui rend les virages très difficiles. Puis, au fur et à mesure que nous descendons et que les températures augmentent, la neige s’humidifie jusqu’à devenir totalement pourrie sur une grande épaisseur ! Le beau ski n’est pas au rendez-vous, et à défaut des virages, ce sont les chutes qui s’enchaînent. Tout le monde ou presque y a droit. Difficile de tenir debout dans ces conditions. Thierry se fait mal à une côte, qu’il espère encore entière mais qui le fera souffrir les jours suivants. Il n’y a guère que sur les dernières centaines de mètres que la neige est skiable. Le repos au chalet est bienvenu alors que commence pour certains une longue série de parties de tarot. D’autres, bien plus sérieux, révisent les azimuts et se jouent de la triangulation !
Lundi 9 avril. Pic Traversier (860 m)
Tirant les leçons de la veille, nos initiateurs nous proposent un versant nord. Au départ du pont de Lariane, la visibilité n’est pas encore satisfaisante mais des éclaircies laissent envisager de temps à autre un magnifique paysage. Même s’il y a peu de risque, nous nous espaçons pour traverser un passage que surplombe une belle crête. Arrivés au col de Longet, nous entamons la dernière ascension jusqu’au pic. La visibilité est nulle, la pente s’accentue, Marie-Christine souffre le martyr de contractures musculaires. Grâce à Pascal pourtant, dont la conduite fut héroïque, elle parviendra au sommet. Miraculeusement sans doute, la couverture nuageuse se dissipe, laissant entrevoir un panorama de toute beauté et présager une descente bien plus agréable. Et en effet, la sensation de glisse sur les quelques cm de poudreuse tombés dans la nuit donne le sourire à tout le monde ! Il faut en profiter car plus bas, la neige est déjà plus lourde.
Mardi 10 avril. Sommet près du Pic Ségure (Environ 1000 m)
La veille au soir, une petite équipe a accompagné O afin de prospecter la course du lendemain et surtout, disons-le franchement, repérer le bar à bières. C’est donc à Ristolas que nous chaussons les skis et débutons l’ascension sous de gros flocons très humides. Les moins chanceux d’entre nous sont bientôt trempés jusqu’à la moelle. Pour ma part, seulement équipé d’une petite veste, le dos et les bras mouillés me font grelotter. Pour achever le tableau, l’équipe traçante, dont ma pomme, ne se rend compte que très tardivement que nous ne prenons pas le chemin prévu de la bergerie. Tant pis, on continue à grimper. O connaît une baisse de régime, ronchonne de plus en plus à cause des conditions météo. Je me demande si ce n’est pas une manière de nous préparer à l’abandon et au retour direct à la voiture ! Mais tout le monde tient le coup et après un dernier ressaut, au sortir de la forêt, la neige cesse de tomber, le soleil pointe le bout de son nez, nos vêtements sèchent rapidement, les sommets environnants se découvrent, Dieu nous apparaît. Euh … mais je m’égare. Le moral revient immédiatement et nous conduit jusqu’au sommet d’où la vue impose le respect. Durant le pique-nique, Denis trouve une crotte de marmotte, la prend et la renifle avant de la manger. Hilare, il admet que ce n’est qu’une banane séchée. Trop tard, Thierry s’est fait prendre ! Sans relation directe avec ce qui précède, la descente qui suit va rester dans les annales de chacun. 1000 mètres de poudreuse, d’abord dans les alpages puis en forêt où nous nous amusons comme des fous. Les difficultés de la matinée sont oubliées, tout le monde est en extase. Nathalie avoue n’avoir jamais skié dans une neige pareille. Francis déchausse et en perd un ski qui dévale la pente. Heureusement Pascal, encore lui, l’arrête de son pied débonnaire ! Ne serait-ce pas lui notre super -héros ? Peut-on en dire autant du Rochelais Franck qui, animé sans doute d’un vil esprit, propose d’offrir à O le bâton raccourci qu’il vient de casser, moquant ainsi la petite taille de notre initiateur préféré ?!
Après une bière bien méritée à Ristolas et un détour par le joli village de Saint-Véran, c’est par une gouteuse raclette que s’achève cette superbe journée.
Mercredi 11 avril. Pic du Fond de Peynin (900 m)
Les conditions sont à nouveau très mauvaises et la visibilité nulle. On progresse grâce à Iphigénie, vite devenue notre meilleure alliée durant ce séjour. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’une application de cartographie utilisant le fond de carte de l’IGN permettant de se géolocaliser et d’enregistrer sa trace. Cela fait déjà un bon bout de temps que nous avons quitté le pont de Lariane lorsque Nadège s’inquiète qu’on ne soit que dix ! Elle réalise alors que Thierry ne nous accompagne pas aujourd’hui. Préférant ménager sa cage thoracique, Thierry a en effet décidé de ne pas nous accompagner. Nadège est cependant toute excusée car elle se retrouve bientôt en hypoglycémie. Malgré son état de faiblesse extrême et le froid qu’elle ressent, elle ne dit mot, tel le petit cheval dans le mauvais temps de Brassens, et avance tant bien que mal pratiquement jusqu’au col des Chalanches, épaulé par O . Le reste du groupe, sans doute porté par l’ivresse des montagnes, continue jusqu’au sommet. Ne jouissant d’absolument aucune vue, nous ne nous attardons pas et commençons à redescendre en évitant la corniche de la crête. Dans ce jour blanc, c’est une fois de plus Christophe qui ouvre la marche. Il a du mérite car on ne distingue aucun microrelief. Preuve en est que Marie-Christine tombe dans un trou tandis que votre serviteur, pourtant à faible allure, est stoppé net par une congère qu’il n’a pas vue. Le choc fut rude pour mon cou, ma tête ayant plongé dans le mur de neige, heureusement protégée par mon casque. Je mets du temps à reprendre mes esprits et à m’extraire de la neige. Surprise, les copains ne sont plus là et je me retrouve seul au monde, perdu dans les nuages à 2500 m d’altitude. J’use alors de mon sifflet pour les avertir de mon absence parmi eux. Le tout n’a duré que quelques minutes mais cela a suffi pour inquiéter Marie-Christine, le temps que je rejoigne le groupe. Merci Marie-Christine !
Après une telle journée, on avait bien besoin d’un exercice de recherche de DVA pour nous remettre de nos émotions. Nous n’allions pas être déçus ! Le premier exercice montre une certaine indiscipline parmi les stagiaires qui décident courageusement de le réitérer. O et Denis proposent alors de cacher trois DVA sous la neige et de nous chronométrer. « Ah ah ah, on allait bien rigoler » qu’ils pensaient, voyant notre manque d’organisation. Le premier DVA est pourtant trouvé rapidement. On ne savait pas encore que nos deux encadrants nous avaient fait une bonne blague en maintenant éteints les deux autres boitiers. Pardon ? Ce n’était pas une blague ? Un oubli de Denis ?!! Et oui, grâce à ce qui ne peut apparaître que comme un acte manqué (celui de se débarrasser de deux skieurs sous une avalanche ?), il aura fallu près de vingt minutes à une équipe pourtant constituée de sept pelleteuses et pelleteurs semi-professionnels pour trouver les deux DVA … éteints !! Je sais de source sûre que, par le truchement des réseaux sociaux, cette mésaventure a déjà fait plusieurs fois le tour du monde.
Jeudi 12 avril. Montée au refuge d’Agnel (500m)
C’est à nouveau dans le froid et le vent du sud-est que les autochtones appellent ici la lombarde que nous nous lançons sur la piste qui doit nous mener jusqu’au refuge. Une montée que pour ma part j’ai trouvé longue et monotone. Sans doute beaucoup moins longue et monotone que Nathalie cependant qui, terrassée par une terrible gastro, a lutté pour atteindre ledit refuge. Elle y passera environ 18 heures consécutives au lit, sous la couette, sans manger autre chose qu’une demi-banane ! L’après-midi voit les chutes de neige s’accentuer, la tempête convainc l’équipe de ne pas retenter une sortie. Les joueurs de tarot en particulier n’ont aucune envie de ressortir. Nadège est bien trop occupée à humilier ses camarades de jeu, remportant tout sur son passage, atteignant des scores célestes, tandis que Christophe s’évertue à se rapprocher du noyau terrestre !
Vendredi 13 avril. Refuge d’Agnel / col de l’Eychassier / Col Vieux / refuge d’Agnel / retour au pont de Lariane (800 m)
Les vents violents de la veille et les 60 cm de poudreuses tombés justifient le risque 4 d’avalanches. Plus que jamais il nous faut réfléchir au parcours envisageable. Sur les conseils du gardien, nous optons pour le col de l’Eychassier pour atteindre une superbe combe où tout le monde se régale de la poudreuse dans un paysage magnifique, au-dessus du lac Foréant. La remontée jusqu’au Col Vieux n’est plus tracée et use nos deux plus beaux étalons, Franck le Rochelais et Christophe ! Je me contente de relayer ce dernier une fois que nous sommes presque arrivés au col ! Malin, non ? Nous admirons le Pain de Sucre et le Mont Viso et observons de loin un petit point qui monte. Il se rapproche de nous et grossit. C’est Denis, qui nous rejoint au col Vieux après avoir raccompagné Nathalie au refuge, toujours souriante certes mais toujours malade. Après la collation du midi prise au chaud, et pour certains, avouons-le, accompagnée de la bière locale, nous redescendons par la route enneigée jusqu’aux voitures, que nous atteignons plus rapidement que prévu. Nous sommes stupéfaits de voir sur notre gauche un cône d’avalanche que deux skieurs, dont les traces sont bien visibles, ont manifestement déclenchée. Bizarre et dangereuse idée de faire un couloir aussi raide par risque 4 !
Samedi 14 avril. Retour à Niort (860 km)
Le retour par le col du Lautaret laissait espérer une belle vue sur les Ecrins, malheureusement empêchée par une météo nuageuse et de légères chutes de neige.
Par souci de discrétion absolue et par égard pour l’un de nos plus éminents encadrants qui n’est pas le plus petit des deux, je ne parlerai pas de la carte bancaire qu’il se souvient avoir oubliée au chalet alors que nous sommes sur la route depuis une demi-heure !
Merci à eux en tout cas pour avoir organisé ce superbe séjour et à tous les participants pour leur bonne humeur et les moments conviviaux partagés durant cette semaine pleine de neige.
Franck, CAF de Niort